Le temps
Le temps n'est qu'une question de perception et fonction de cette perception, il peut devenir synonyme d'une vraie violence.
Et si nous décidions de vraiment ralentir, que se passerait-il ?
Voici de quelle façon la Vie m'enseigne depuis plus d'un an sur cette notion de temps.
Ma maman a été diagnostiquée à 70 ans, il y a de ça deux ans, d'un Alzheimer de type atypique. Cette maladie qui évolue progressivement provoque, entre autres, comme conséquences, une nécessité de ralentir pour pouvoir exécuter des gestes, qui pour nous sont tout à fait anodins et automatiques (comme enfiler un manteau et remonter la fermeture éclair par exemple). A ce ralentissement, s'ajoute le besoin de vérifier plusieurs fois qu'elle n'a rien oublié. Il est donc nécessaire lorsque ma sœur ou moi, l'accompagnons à un rendez-vous, de prévoir ce ralentissement et de l'inclure dans la préparation du programme de la journée.
Et c'est lors de ces moments de préparation pour partir à un rendez-vous que la notion de vitesse et la violence qu'elle entraine, m'ont sauté aux yeux. Combien de fois dans l'année, malgré un large temps prévu, je me suis vue dire à ma mère : « Maman, il faut accélérer, finis de te préparer, on va être en retard. »Evidemment, vous l'aurez compris, lorsqu'elle a à se dépêcher, cela provoque, agacement, anxiété, impression de ne pas être adéquate et cela ne fait qu'amplifier son besoin de ralentir car elle a besoin de toute son attention et sa concentration encore disponibles pour exécuter ces gestes. En observant ce qui se passait dans ces moments, tout est devenu très clair. Cela réveillait en moi une part impatiente, une part qui n'est jamais en retard, une part qui se souciait de ce que le corps médical (associé à une autorité) allait penser ou dire si nous arrivions en retard, et enfin une part qui ne se souciait plus du tout de cette maman qui a besoin de douceur et d'attention dans ces moments-là. Et là où elle avait déjà le stress d'aller passer un examen médical, s'ajoutait la pression que je lui mettais prétextant que le corps médical n'attendrait pas ou qu'on allait louper l'horaire.
En fait, même si tout cela était arrivé, cela n'aurait pas été la fin du monde et pourtant....
Et le déclic est arrivé lorsque ma mère a prononcé ces mots, alors que je lui disais « on va être en retard ».Elle m'a rétorqué : « Eh bien, ils attendront !! » (elle qui ne serait jamais arrivée en retard à un rendez-vous avant, cela a sonné comme une évidence !!). La maladie a cet « avantage » pour le moment, elle lui fait lâcher progressivement une partie des obligations et des convenances, les « il faut », « on doit » disparaissent tout doucement et l'anxiété qui y était associée, s'envole avec. J'observe ma mère depuis un peu plus d'un an changer doucement de rythme, et la vitesse imposée par la vie quotidienne me devient de plus en plus visible.
Certains pourront décliner la situation que je décris plus haut, aux enfants et au départ à l'école du matin ou aux soirées chronométrées goûter/devoirs/douche/diner/coucher !! Alors bien sûr, il n'est pas possible de retirer les horaires de rdv mais ce que m'apprend cette situation avec ma mère, c'est que cette vitesse que l'on s'impose et que l'on impose aux autres, est très violente et créatrice de souffrance. Et ce à quoi cela m'a invitée, c'est à être plus présente pour ramener de la douceur et de la lenteur, et prendre soin des besoins de cette maman qui fait du mieux qu'elle peut à chaque instant. Être plus présente, c'est avant tout être plus présente à ce qui s'agite en moi et qui va faire qu'au lieu de le ressentir, je vais projeter l'inconfort réveillé par la situation, sur l'autre, et ici sur ma mère.
On en revient toujours à cela !!!
Toute situation, quelle qu'elle soit, est toujours à mon service. Elle est là pour me rappeler ce que je suis, ce que nous sommes. Elle met en lumière ce qui me sépare de l'Amour. En l'occurrence ici, elle est venue mettre en lumière : Une part impatiente. Un manque de tolérance. Un désir de garder le contrôle sur le temps. Une peur des reproches. Une peur d'être jugée.
Toutes ces voix qui sont encore actives en moi et qui me réservent le même accueil lorsque des situations similaires se présentent. Alors je ressens beaucoup de gratitude pour ma maman qui expérimente la maladie d'Alzheimer et pour tous les enseignements reçus et à venir. Cette fois-ci, c'est une invitation à la présence à soi, à l'autre et au ralentissement, une invitation à se syntoniser au rythme de la Vie qui circule au travers d'elle.
Et toujours une invitation au questionnement : Comment je peux aimer mieux, aimer plus dans cette situation ?
Qu'est-ce que l'Amour ferait ?
Alors si nous décidions tous de ralentir, si nous décidions de laisser la Vie organiser notre emploi du temps, que se passerait-il ?
Imaginez un monde où la présence, l'Amour, la douceur seraient les mots écrits sur le fronton des mairies.
Il paraît que tout part d'un rêve ?!
Et si nous rêvions tous ensemble de ce monde ???